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La société du spectacle

by Guy-Ernest Debord


Chapter 4 "Le prolétariat comme sujet et comme représentation"

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Le mouvement ouvrier révolutionnaire, entre les deux guerres, fût anéanti par l'action conjuguée de la bureaucratie stalinienne et du totalitarisme fasciste, qui avait emprunté sa forme d'organisation au parti totalitaire expérimenté en Russie. Le fascisme a été une défense extrémiste de l'économie bourgeoise menacée par la crise et la subversion prolétarienne, l'état de siège dans la société capitaliste, par lequel cette société sauve, et se donne une première rationalisation d'urgence en faisant intervenir massivement l'Etat dans sa gestion. Mais un telle rationalisation est elle-même grevée de l'immense irrationalité de son moyen. Si le fascisme se porte à la défense des principaux points de l'idéologie bourgeoise devenue conservatrice (la famille, la propriété, l'ordre moral, la nation) en réunissant la petite-bourgeoisie et les chômeurs affolés par la crise ou déçus par l'impuissance de la révolution socialiste, il n'est pas lui-même foncièrement idéologique. Il se donne pour ce qu'il est : une résurrection violente du mythe, qui exige la participation à une communauté définie par des pseudo-valeurs archaïques : la race, le sang, le chef. Le fascisme est l'archaïsme techniquement équipé. Son ersatz décomposé du mythe est repris dans le contexte spectaculaire des moyens de conditionnement et d'illusion les plus modernes. Ainsi, il est un des facteurs dans la formation du spectaculaire moderne, de même que sa part dans la destruction de l'ancien mouvement ouvrier fait de lui une des puissances fondatrices de la société présente comme le fascisme se trouve être la forme la plus coûteuse du maintien de l'ordre capitaliste, il devait normalement quitter le devant de la scène qu'occupent les grands rôles des Etats capitalistes, éliminé par des formes plus rationnelles et plus fortes de cet ordre.

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Quand la bureaucratie russe a enfin réussi à se défaire des traces de la propriété bourgeoise qui entravaient son règne sur l'économie, à développer celle-ci pour son propre usage, et à être reconnue au dehors parmi les grandes puissances, elle veut jouir calmement de son propre monde, en supprimer cette part d'arbitraire qui s'exerçait sur elle-même : elle dénonce le stalinisme de son origine. Mais une telle dénonciation reste stalinienne, arbitraire, inexpliquée, et sans cesse corrigée, car le mensonge idéologique de son origine ne peut jamais être révélé. Ainsi la bureaucratie ne peut se libéraliser ni culturellement ni politiquement car son existence comme classe dépend de son monopole idéologique qui, dans toute sa lourdeur, est son seul titre de propriété. L'idéologie a certes perdu la passion de son affirmation positive, mais ce qui en subsiste de trivialité indifférente a encore cette fonction répressive d'interdire la moindre concurrence, de tenir captive la totalité de la pensée. La bureaucratie est ainsi liée à une idéologie qui n'est plus crue par personne. Ce qui était terroriste est devenu dérisoire, mais cette dérision même ne peut se maintenir qu'en conservant à l'arrière-plan le terrorisme dont elle voudrait se défaire. Ainsi, au moment même où la bureaucratie veut montrer sa supériorité sur le terrain du capitalisme, elle s'avoue un parent pauvre du capitalisme. De même que son histoire effective est en contradiction avec son droit, et son ignorance grossièrement entretenue en contradiction avec ses prétentions scientifiques, son projet de rivaliser avec la bourgeoisie dans la production d'une abondance marchande est entravé par ce fait qu'une telle abondance porte en elle-même son idéologie implicite, et s'assortit normalement d'une liberté indéfiniment étendue de faux choix spectaculaires, pseudo-liberté qui reste inconciliable avec l'idéologie bureaucratique.

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A ce moment du développement, le titre de propriété de la bureaucratie s'effondre déjà à l'échelle internationale. Le pouvoir qui s'était établi nationalement en tant que modèle fondamentalement internationaliste doit admettre qu'il ne peut plus prétendre maintenir sa cohésion mensongère au delà de chaque frontière nationale. L'inégal développement économique que connaissent des bureaucraties, aux intérêts concurrents, qui ont réussi à posséder leur «socialisme» en dehors d'un seul pays, a conduit à l'affrontement public et complet du mensonge russe et du mensonge chinois. A partir de ce point, chaque bureaucratie au pouvoir, ou chaque parti totalitaire candidat au pouvoir laissé par la période stalinienne dans quelques classes ouvrières nationales, doit suivre sa propre voie. S'ajoutant aux manifestations de négation intérieure qui commencèrent à s'affirmer devant le monde avec la révolte ouvrière de Berlin-Est opposant aux bureaucrates son exigence d'«un gouvernement de métallurgistes», et qui sont déjà allées une fois jusqu'au pouvoir des conseils ouvriers de Hongrie, la décomposition mondiale de l'alliance de la mystification bureaucratique est, en dernière analyse, le facteur le plus défavorable pour le développement actuel de la société capitaliste. La bourgeoisie est en train de perdre l'adversaire qui la soutenait objectivement en unifiant illusoirement toute négation de l'ordre existant. Une telle division du travail spectaculaire voit sa fin quand le rôle pseudo-révolutionnaire se divise à son tour. L'élément spectaculaire de la dissolution du mouvement ouvrier va être lui-même dissous.

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L'illusion léniniste n'a plus d'autre base actuelle que dans les diverses tendances trotskistes, où l'identification du projet prolétarien à une organisation hiérarchique de l'idéologie survit inébranlablement à l'expérience de tous ses résultats. La distance qui sépare le trotskisme de la critique révolutionnaire de la société présente permet aussi la distance respectueuse qu'il observe à l'égard de positions qui étaient déjà quand elles s'usèrent dans un combat réel. Trotsky est resté jusqu'en 1927 fondamentalement solidaire de la haute bureaucratie, tout en cherchant à s'en emparer pour lui faire reprendre son action réellement bolchevik à l'extérieur (on sait qu'à ce moment pour aider à dissimuler le fameux «testament de Lénine», il alla jusqu'à désavouer calomnieusement son partisan Max Eastman qui l'avait divulgué). Trotsky a été condamné par sa perspective fondamentale, parce qu'au moment où la bureaucratie se connaît elle-même dans son résultat comme classe contre-révolutionnaire à l'intérieur, elle doit choisir aussi d'être effectivement contre-révolutionnaire à l'extéieur au nom de la révolution, comme chez elle. La lutte ultérieure de Trotsky pour une V° Internationale contient la même inconséquence. Il a refusé toute sa vie de reconnaître dans la bureaucratie le pouvoir d'une classe séparée, parce qu'il était devenu pendant la deuxième révolution russe le partisan inconditionnel de la forme bolchevik d'organisation. Quand Luckàcs, en 1923, montrait dans cette forme la médiation enfin trouvée entre la théorie et la pratique, où les prolétaires cessent d'être «des spectateurs» des événements survenus dans leur organisation, mais les ont consciemment choisis et vécus, il décrivait comme mérites effectifs du parti bolchevik tout ce que le parti bolchevik n'était pas. Lukàcs était encore, à côté de son profond travail théorique, un idéologue, parlant au nom du pouvoir le plus vulgairement extérieur au mouvement prolétarien, en croyant et en faisant croire qu'il se trouvait lui-même, avec sa personnalité totale, dans ce pouvoir comme dans le sien propre. Alors que la suite manifestait de quelle manière ce pouvoir désavoue et supprime ses valets, Lukàcs, se dévouant lui-même sans fin, a fait voir avec une netteté caricaturale à quoi il s'était exactement identifié : au contraire de lui-même, et de ce qu'il avait soutenu dans Histoire et Conscience de classe. Lukàcs vérifie au mieux la règle fondamentale qui juge tous les intellectuels de ce siècle : ce qu'ils respectent mesure exactement leur propre réalité méprisable. Lénine n'avait cependant guère flatté ce genre d'illusions sur son activité, lui qui convenait qu'«un parti politique ne peut examiner ses membres pour voir s'il y a des contradictions entre leur philosophie et le programme du parti». Le parti réel dont Lukàcs avait présenté à contretemps le portrait rêvé n'était cohérent que pour une tâche précise et partielle : saisir le pouvoir dans l'Etat.

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L'illusion néo-léniniste du trotskisme actuel, parce qu'elle est à tout moment démentie par la réalité de la société capitaliste moderne, tant bourgeoise que bureaucratique, trouve naturellement un champ d'application privilégié dans les pays «sous-développés» formellement indépendants, où l'illusion d'une quelconque variante de socialisme étatique et bureaucratique est consciemment manipulée comme la simple idéologie du développement économique, par les classes dirigeantes locales. La composition hybride de ces classes se rattache plus ou moins nettement à une gradation sur le spectre bougeoisie-bureaucratie. Leur jeu à l'échelle internationale entre ces deux pôles du pouvoir capitaliste existant, aussi bien que leurs compromis idéologiques - notamment avec l'islamisme - exprimant la réalité de leurs base sociale, achèvent d'enlever à ce dernier sous-produit du socialisme idéologique tout sérieux autre que policier. Une bureaucratie a pu se former en encadrant la lutte nationale et la révolte agraire des paysans : elle tend alors, comme en Chine, à appliquer le modèle stalinien d'industrialisation dans une sociétés développée que la Russie de 1917. Une bureaucratie capable d'industrialiser la nation peut se former à partir de la petite-bourgeoisie des cadres de l'armée saisissant le pouvoir, comme le montre l'exemple de l'Egypte. En certains points, dont l'Algérie à l'issue de sa guerre d'indépendance, la bureaucratie, qui s'est constituée comme direction para-étatique pendant la lutte, recherche le point d'équilibre d'un compromis pour fusionner avec une faible bourgeoisie nationale. Enfin dans les anciennes colonies d'Afrique noire qui restent ouvertement liées à la bourgeoisie occidentale, américaine et européenne, une bourgeoisie se constitue - le plus souvent à partir de la puissance des chefs traditionnels du tribalisme - par la possession de l'Etat : dans ces pays où l'impérialisme étranger reste le vrai maître de l'économie, vient un stade où les compradores ont reçu en compensation de leur vente des produits indigènes la propriété d'un Etat indigène, indépendant devant les masses locales mais non devant l'impérialisme. Dans ce cas, il s'agit d'une bourgeoisie artificielle qui n'est pas capable d'accumuler, mais simplement dilapide, tant la part de plus-value du travail local qui lui revient que les subsides étrangers des Etats ou monopoles qui sont ses protecteurs. L'évidence de l'incapacité de ces classes bourgeoises à remplir la fonction économique normale de la bourgeoisie dresse devant chacune d'elles une subversion sur le modèle bureaucratique plus ou moins adapté aux particularités locales, qui veut saisir son héritage. Mais la réussite même d'une bureaucratie dans son projet fondamental d'industrialisation contient nécessairement la perspective de son échec historique : en accumulant le capital, elle accumule le prolétariat, et crée son propre démenti, dans un pays où il n'existait pas encore.

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Dans ce développement complexe et terrible qui a emporté l'époque des luttes de classes vers de nouvelles conditions, le prolétariat des pays industriels a complètement perdu l'affirmation de sa perspective autonome et, en dernière analyse, ses illusions, mais non son être. Il n'est pas supprimé. Il demeure irréductiblement existant dans l'aliénation intensifiée du capitalisme moderne : il est l'immense majorité des travailleurs qui ont perdu tout pouvoir sur l'emploi de leur vie, et qui, dès qu'ils le savent, se redéfinissent comme le prolétariat, le négatif à l'oeuvre dans cette société. Ce prolétariat est objectivement renforcé par le mouvement de disparition de la paysannerie, comme par l'extension de la logique du travail en usine qui s'applique à une grande partie des «services» et des professions intellectuelles. C'est subjectivement que ce prolétariat est encore éloigné de sa conscience pratique de classe, non seulement chez les employés mais aussi chez chez les ouvriers qui n'ont encore découvert que l'impuissance et la mystification de la vieille politique. Cependant, quand le prolétariat découvre que sa propre force extériorisée concourt au renforcement permanent de la société capitaliste, non plus seulement sous la forme de son travail, mais aussi sous la forme des syndicats, des partis ou de la puissance étatique qu'il avait constitués pour s'émanciper, il découvre aussi par l'expérience historique concrète qu'il est la classe totalement ennemie de toute extériorisation figée et de toute spécialisation du pouvoir. Il porte la révolution qui ne peut rien laisser à l'extérieur d'elle-même, l'exigence de la domination permanente du présent sur le passé, et la critique totale de la séparation ; et c'est cela dont il doit trouver la forme adéquate dans l'action. Aucune amélioration quantitative de sa misère, aucune illusion d'intégration hiérarchique, ne sont un remède durable à son insatisfaction, car le prolétariat ne peut se reconnaître véridiquement dans un tort particulier qu'il aurait subi ni donc dans la séparation d'un tort particulier, ni d'un grand-nombre de ses torts, mais seulement dans le tort absolu d'être rejeté en marge de la vie.

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Aux nouveaux signes de négation, incompris et falsifiés par l'aménagement spectaculaire, qui se multiplient dans les pays les plus avancés économiquement, on peut déjà tirer cette conclusion qu'une nouvelle époque s'est ouverte : après la première tentative de subversion ouvrière, c'est maintenant l'abondance capitaliste qui a échoué. Quand les luttes anti-syndicales des ouvriers occidentaux sont réprimées d'abord par les syndicats, et quand les courants révoltés de la jeunesse lancent une première protestation informe, dans laquelle pourtant le refus de l'ancienne politique spécialisée, de l'art et de la vie quotidienne, est immédiatement impliqué, ce sont là les deux faces d'une nouvelle lutte spontanée qui commence sous l'aspect criminel. Ce sont les signes avant-coureurs du deuxième assaut prolétarien contre la société de classes. Quand les enfants perdus de cette armée encore immobile reparaissent sur ce terrain, devenu autre et resté le même, ils suivent un nouveau «général Ludd» qui, cette fois, les lance dans la destruction des machines de la consommation permise.

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«La forme politique enfin découverte sous laquelle l'émancipation économique du travail pouvait être réalisée» a pris dans ce siècle une nette figure dans les Conseils ouvriers révolutionnaires, concentrant en eux toutes les fonctions de décision et d'exécution, et se fédérant par le moyen de délégués responsables devant la base et révocables à tout instant. Leur existence effective n'a encore été qu'une brève ébauche, aussitôt combattue et vaincue par différentes forces de défense de la société de classes, parmi lesquelles il faut souvent compter leur propre fausse conscience. Pannekock insistait justement sur le fait que le choix d'un pouvoir des Conseils ouvriers «propose des problèmes» plutôt qu'il n'apporte une solution. Mais ce pouvoir est précisément le lieu où les problèmes de la révolution du prolétariat peuvent trouver leur vraie solution. C'est le lieu où les conditions objectives de la conscience historique sont réunies ; la réalisation de la communication directe active, où finissent la spécialisation, la hiérarchie et la séparation, où les conditions existantes ont été transformées «en condition d'unité». Ici le sujet prolétarien peut émerger de sa lutte contre la contemplation : sa conscience est égale à l'organisation pratique qu'elle s'est donnée, car cette conscience même est inséparable de l'intervention cohérente dans l'histoire.

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Dans le pouvoir des Conseils, qui doit supplanter internationalement tout autre pouvoir, le mouvement prolétarien est son propre produit, et ce produit est le producteur même. Il est à lui-même son propre but. Là seulement la négation spectaculaire de la vie est niée son tour.

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L'apparition des Conseils fut la réalité la plus haute du mouvement prolétarien dans le premier quart de siècle, réalité qui resta inaperçue ou travestie parce qu'elle disparaissait avec le reste du mouvement que l'ensemble de l'expérience historique d'alors démentait et éliminait. Dans le nouveau moment de la critique prolétarienne, ce résultat revint comme le seul point invaincu du mouvement vaincu. La conscience historique qui sait qu'elle a en lui son seul milieu d'existence peut le reconnaître maintenant, non plus à la périphérie de ce qui reflue, mais au centre de ce qui monte.

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Une organisation révolutionnaire existant avant le pouvoir des Conseils - elle devra trouver en luttant sa propre forme - pour toutes ces raisons historiques sait déjà qu'elle ne représente pas la classe. Elle doit seulement se reconnaître elle-même comme une séparation radicale d'avec le monde de la séparation.

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L'organisation révolutionnaire est l'expression cohérente de la théorie de la praxis entrant en communication non-unilatérale avec les luttes pratiques, en devenir vers la théorie pratique. Sa propre pratique est la généralisation de la communication et la cohérence dans ces luttes. Dans le moment révolutionnaire de la dissolution de la séparation sociale, cette organisation doit reconnaître sa propre dissolution en tant qu'organisation séparée.

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L'organisation révolutionnaire ne peut être que la critique unitaire de la société, c'est-à-dire une critique qui ne pactise avec aucune forme de pouvoir séparé, en aucun point du monde, et une critique prononcée globalement contre tous les aspects de la vie sociale aliénée. Dans la lutte de l'organisation révolutionnaire contre la société de classes, les armes ne sont pas autre chose que l'essence des combattants mêmes : l'organisation révolutionnaire ne peut reproduire en elle les conditions de scission et de hiérarchie qui sont celles de la société dominante. Elle doit lutter en permanence contre sa déformation dans le spectacle régnant. La seule limite de la participation à la démocratie totale de l'organisation révolutionnaire est la reconnaissance et l'auto-appropriation effective, par tous ses membres, de la cohérence de sa critique, cohérence qui doit se prouver dans la théorie critique proprement dite et dans la relation entre celle-ci et l'activité pratique.

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Quand la réalisation toujours plus poussée de l'aliénation capitaliste à tous les niveaux, en rendant toujours plus difficile aux travailleurs de reconnaître et de nommer leur propre misère, les place dans l'alternative de refuser la totalité de leur misère, ou rien, l'organisation révolutionnaire a dû apprendre qu'elle ne peut plus combattre l'aliénation sous des formes aliénées.

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La révolution prolétarienne est entièrement suspendue à cette nécessité que, pour la première fois, c'est la théorie en tant qu'intelligence de la pratique humaine qui doit être reconnue et vécue par les masses. Elle exige que les ouvriers deviennent dialecticiens et inscrivent leur pensée dans la pratique ; ainsi elle demande aux hommes sans qualité bien plus que la révolution bourgeoise ne demandait aux hommes qualifiés qu'elle déléguait à sa mise en oeuvre : car la conscience idéologique partielle édifiée par une partie de la classe bourgeoise avait pour base cette partie centrale de la vie sociale, l'économie, dans laquelle cette classe était déjà au pouvoir. Le développement même de la société de classes jusqu'à l'organisation du spectaculaire de la non-vie mène donc le projet révolutionnaire à devenir visiblement ce qu'il était déjà essentiellement.

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La théorie révolutionnaire est maintenant ennemie de toute idéologie révolutionnaire, et elle sait qu'elle l'est.

 

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